Le 9 mars dernier, Thierry Godelle, Senior Advisor Healthcare chez Kynapse, partageait avec la communauté Santé & Pharma du Hub Institute ses best practices pour une transformation digitale réussie.
Cloudisation, multiplication des usages de l’IA et Value-based healthcare, Thierry revient sur les grandes tendances actuelles du secteur.
Il vous partage également les 3 piliers fondamentaux dans la conduite du changement pour assurer le succès d’un projet :
- Associer tous les métiers dès le départ
- Mettre les utilisateurs au cœur de la conception des solutions
- Passer à l’échelle
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Bonjour à tous, enchanté d'être parmi vous aujourd'hui. Je vais vous parler de la transformation digitale. C'est un discours qui s'adresse principalement aux entreprises pharmaceutiques et du dispositif médical. Je consacrerai une plus grande partie de ma discussion aujourd'hui à tous les problèmes rencontrés et aux difficultés de la transformation digitale, ainsi qu'à la manière d'adresser ces problématiques-là.
Si vous cherchez sur Google, vous allez rapidement trouver que 70% des projets de transformation digitale échouent. On va regarder cette problématique en détail. Quand même, je vais parler un peu des tendances, les tendances que nous, les cabinets de conseil qui aident les industriels vers la transformation digitale, on voit ce qu’on appelle la « Cloudisation ». C’est transporter vos données sur le cloud et utiliser des outils qui permettent d'analyser ces données sur le cloud et la puissance de calcul et le partage que le cloud permet.
Pourquoi est-ce que c’est particulièrement intéressant pour les parcours de soin et dans la santé ? Parce que les parcours de soin restent cloisonnés, qu’on le veuille ou non, entre les hôpitaux et entre les différents acteurs de la santé, il y a encore beaucoup d’interruptions et de manque de transfert et de partage de données entre les acteurs. Donc le Cloud permet une solution idéale pour pouvoir mettre les données à disposition sur le cloud afin d’aider les professionnels de santé à avoir accès à des données de patients « fraîches » et mises à jour. Donc ça les aide à collaborer tout au long du parcours patient donc c’est très important et très utile.
De même, on demande de plus en plus aux patients d’être acteurs de leurs parcours de santé, surtout quand ce sont des maladies chroniques et des parcours un peu complexes. Il faut qu’ils puissent se prendre en charge eux-mêmes, qu’ils s’organisent et qu’ils soient un peu le chef de projet de leurs parcours, pour éviter justement toutes ces interruptions et pour être à l'aide de leur médecin traitant afin de s’assurer que le parcours soit le plus fluide possible. Avoir les données à disposition sur le cloud, pouvoir mettre les données, pour que les différents acteurs de santé puissent accéder à des données à jour rend le parcours plus efficace.
Bon, je ne vais pas vous demander qui d’entre vous a téléchargé l’application Mon Espace Santé et qui l’utilise, mais bon, les solutions sont là aujourd’hui. Bon, il y a toute cette méfiance autour des données de santé qu’on ne veut pas mettre sur le cloud, mais en même temps, j’ai demandé à mon fils qui est allé faire un examen à l’hôpital s'il avait bien activé son espace santé, il ne l’a pas fait parce qu’il se méfie, en revanche il n’a aucun problème à utiliser TIKTOK. Donc c’est un problème de perception par rapport à tous ces outils et par rapport à ces problématiques plus que de réalité parfois.
Ensuite, lié au Cloud, on a évidemment l’intelligence artificielle. Alors l’IA ce n’est pas nouveau, ça existe depuis un moment, quand j’ai fait mes études il y a 25 ans, on parlait déjà des réseaux de neurones, ce n’est pas une nouvelle technologie. Mais c’est une technologie où on passe de plus en plus de la théorie à la pratique, on voit qu’elle est de plus en plus utilisée encore une fois grâce au cloud et grâce à l’accès et à la massification des données dans le cloud. On a besoin d’avoir des algorithmes qui puissent gérer cette abondance de données et qui puissent extraire de l’intelligence de ces données.
Et tout au long du parcours, on a aujourd’hui des solutions qui permettent de fluidifier encore une fois le parcours. Quand on commence dès la prévention primaire. Aujourd’hui, il y a une société qui s’appelle METVIR qui développe une solution qui permet de faire une sorte d’anamnèse, en fait vous arrivez comme patient à l’hôpital, aux urgences vous dites vos symptômes en langage réel et il va proposer déjà au médecin trois ou quatre diagnostics les plus probables. Donc ça fait gagner beaucoup de temps et ensuite il y a d’autres solutions d’intelligence artificielle qui permettent de prendre le relais tout au long du parcours.
Alors moi je suis issu du monde de la radiologie, dans les diagnostics et dans la radiologie en particulier il y a beaucoup d’applications maintenant qui aident à faire des diagnostics, qui aident à la détection des lésions, qui aident à la caractérisation des lésions et qui aident à faire le rapport, à standardiser et automatiser toutes ces tâches. Donc il y a toutes les solutions qui existent, maintenant la complexité c’est de les faire utiliser.
Maintenant, les radiologues ce qu’ils veulent c’est utiliser l’intelligence artificielle si ça ne leur demande pas plus de clics et si c’est plus rapide pour eux. Si c’est ouvrir une autre application en plus de celles qu’ils utilisent déjà, ils ne vont pas le faire. Donc il y a encore des progrès à faire dans ce domaine-là. En fait c’est passer de la théorie à la pratique mais la tendance est là et elle s’accélère.
Alors ensuite, une dernière grande tendance. Alors ce n’est pas nouveau, Value-Based HealthCare, ça fait des années qu’on en parle. Ça a été un peu remis au goût du jour depuis le COVID parce que le COVID a fragilisé et a été une épreuve pour les systèmes de santé et pour leur financement. Du coup, Value-Based Healthcare, même si ce n’est pas le système idéal parce qu’il est complexe et qu'il est difficile à mettre en œuvre, ça reste quand même la meilleure solution pour essayer de viabiliser les systèmes de santé.
Donc je vous rappelle le système de Value-Based Healthcare, c’est qu’on mesure le long d’un parcours patient, l’ensemble des coûts associés pour arriver à un certain résultat, un outcome patient, et on cherche à optimiser en permanence le outcome du patient, le fait qu’il aille mieux, divisé par les coûts pour atteindre ces résultats, c’est une sorte de profit du système de santé mais traduit en bénéfice pour le patient. Donc l’objectif de Value-Based Healthcare c’est de s’assurer en permanence, dès qu’on a un nouveau traitement, qu’on maximise ce ratio outcome sur coûts.
Alors pour faire ça, il faut quand même mesurer ces outcomes et ces coûts. Et tout mesurer ces outcomes et ces coûts, tout au long du parcours patient, il faut digitaliser le parcours patient pour prendre les données et pour pouvoir avoir accès à ces mesures d’outcomes et de coûts. J’ai représenté sur la page les outcomes et les coûts pour illustrations, ça vous donne aussi une illustration de comment on peut utiliser Value-Based HealthCare grâce à la digitalisation des parcours patients et grâce à ces données. Voyez que probablement, sur toutes les actions de prévention et de dépistage, sont quand même sous-financées parce que les systèmes de soins et les systèmes de santé ont été construits sur le soin et pas tellement sur la prévention et sur le dépistage, du coup ils sont un peu les moins bien lotis. Mais un filtre comme celui-là permet de comprendre à quel point la prévention et le dépistage permettent d’être importants dans un parcours de soin et permettent de rediriger des financements sur ces activités-là qui consolident notre système de soin. Donc vous voyez, c’est un cercle vertueux.
Maintenant je vais passer le reste de ma discussion sur les 70% les plus importants dans la transformation digitale. À notre avis, c’est de bien s’assurer que la conduite du changement et que la transformation soit gérée parce qu’elle ne se passe pas toute seule. Ce n’est pas en ayant une série d’initiatives Bottom-up un peu dans tous les sens, et après on essaye de regarder les trucs qui accrochent, et on se focalise là-dessus, ce n’est pas tout à fait comme ça que ça marche malheureusement. Donc il y a un certain nombre de choses qu’il faut anticiper et organiser dès le départ pour s’assurer du succès de sa transformation digitale. Donc je vais évoquer les trois points aujourd’hui, il y en a beaucoup plus, mais c’est notre observation quotidienne avec nos clients. C’est :
• Associer les métiers dès le départ
• Comment mettre les utilisateurs au cœur de la conception des solutions
• Ensuite anticiper les problématiques de passage à l’échelle
Alors, associer les métiers dès le départ, en gros on va avoir des Business Unit, on va avoir des équipes digitales et des équipes IT. Ces équipes-là, il faut les faire travailler ensemble dès le début et qu’elles apprennent à travailler ensemble en se connaissant et en partageant leurs objectifs et leurs contraintes. C’est important parce que les gens qui sont dans des sociétés Pharma ou de dispositif médical, et typiquement les gens qui sont dans des équipes digitales, ne connaissent pas bien le métier de l’autre car ils ne l’ont pas exercé eux-mêmes. Quand on ne connaît pas bien le métier de l’autre on ne connaît pas ses objectifs et ses contraintes et on a du mal à collaborer. Donc c’est pour ça qu’il faut avoir des réunions et des échanges pour définir des objectifs et des contraintes communes dans ces projets et avoir une organisation de projet où ces équipes travaillent ensemble tout le long du projet, et pas juste épisodiquement, on fait un run, on fait 2 - 3 ateliers, on met des post-it et une photo sur LinkedIn et hop c’est bon. Non. C’est vraiment une organisation sur le long terme de collaboration proche.
Une façon d’organiser cette collaboration, c’est aussi de fédérer par la valeur créée et d’être clair sur la stratégie des projets digitaux, de la valeur créée pour l’entreprise, qu’est-ce que ça crée pour l’entreprise et pour la business unit ? Comment le digital contribue ? C’est un problème, un objectif commun.
Ensuite, mettre les utilisateurs au cœur de la conception des solutions. On pense tous qu’on met les utilisateurs au centre de nos solutions, alors qu’encore une fois, 40% des solutions en santé sont considérées comme pas du tout « user centriques » donc personne ne va les utiliser.
Je vous donnais l’exemple de la radiologie, les radiologues disent « le jour où ça sera fait pour nous on va l’utiliser. Mais là pour l’instant il y a quand même plus de trucs où on a du mal à s’y mettre parce que ça nous fait perdre plus de temps que ça nous en fait gagner aujourd’hui même si ça a l’air bien».
Pour ça il y a des méthodes, le design thincking est absolument adapté à la transformation digitale. Encore une fois il est organisé à la fois pour que votre solution soit centrée sur l’utilisateur et soit aussi utile à votre organisation, il faut avoir le bon mix. Le problème c’est qu’on a tendance à faire une solution qui est utile à notre organisation car c’est notre payeur et il faut qu’on trouve le bon trait d’offre. L’autre difficulté c’est que l’utilisateur est souvent externe à notre organisation, donc il est plus difficile à atteindre, ce qui demande beaucoup plus d’efforts et d’organisation qu’un client interne.
Mais là, quand on parle de solution sur le parcours patient, on parle vraiment d’utilisateurs qui vont être, soit des cliniciens soit des patients, il faut s’assurer qu’on atteigne ces gens-là et qu’on leur demande quels sont leurs besoins et qu’on les prenne en compte et qu’on les intègre dans les solutions. Et ensuite il faut que la solution soit aussi facile à utiliser, les Français ne sont quand même pas les premiers de classe par rapport à nos collègues anglo-saxons qui ont des interfaces hyper faciles à utiliser, ils sont capables de faire des traits d’offre. Ce n’est pas parfaitement technologique mais les gens vont l’utiliser car c’est simple et intuitif pour eux.
Donc ce sont les traits d’offre qu’on a plus de mal à faire car on a parfois une solution qui est technologiquement parfaite mais qui du coup va être difficile à utiliser. Il faut tenir compte de ces contraintes là et les avoir bien à l’esprit.
Dernier point, le passage à l’échelle : vous allez passer d’un prototype à l’industrialisation de votre solution. Là aussi c’est quelque chose qui peut être compliqué parce que vous organisez des pilotes et des initiatives autour d’un cas d’usage dans votre entreprise, ça marche super bien mais par contre c’est l’équipe France qui a fait ça un peu dans son coin, sans en parler à l’équipe globale, la solution qu'ils ont mise en œuvre était très bien à l’échelle pilote. Par contre, pour l’industrialiser il va y avoir énormément de problèmes d’interopérabilité, les coûts vont exploser, ça va être difficile à faire et hop, l’initiative se fait tuer avant même qu’elle était très successfull, et ça, on le voit tous les jours.
Alors le message ici c’est : anticiper le passage à l’échelle, anticiper l’écosystème technologique dans lequel votre solution va devoir se développer pour être sûr qu’elle est bien interopérable et ne pas découvrir en cours de route la difficulté qui risque de faire capoter votre projet.
L’autre problème, c’est aussi le problème d’un Business model. Assurez-vous que votre solution que vous allez créer (on revient au fait que votre projet doit être concluant avec la stratégie de votre entreprise), une solution digitale à l’échelle de votre entreprise, vous n’êtes pas forcément une société digitale ou un vendeur de solution digitale. Est-ce que ce business model correspond à celui de vendre du traitement ? Les marges ne seront pas forcément les mêmes. Alors, les coûts vous allez forcément les avoir, votre financier va vous dire toute la liste des coûts, ça vous les aurez par cœur etc. Par contre les revenus d’une solution digitale ne sont pas toujours évidents. Donc vous voyez, le business model il faut quand même bien le comprendre et l’accepter dès le départ et s’assurer qu’il ne va pas être dilutif par rapport au business model de votre entreprise. Si votre entreprise voit finalement qu’elle y perd plus d’argent qu’elle n’y gagne, donc tout ça ce sont des choses qu’il faut anticiper pendant le compte dès le départ et bien les intégrer.
Donc je ne cherche pas à vous décourager, je cherche juste à vous alerter sur les points de difficulté qu’on rencontre souvent pour que vous puissiez les prendre en compte et les intégrer dès le départ.
Donc je vous rappelle les 3 piliers :
- Associer les métiers.
- Mettre les utilisateurs au cœur de la conception des solutions.
- Anticiper le passage à l’échelle au niveau technologique et du business model.
Et je vous remercie pour votre attention.