Dans un monde où la transition écologique devient incontournable, le secteur du numérique se trouve à la croisée des chemins. D'un côté, la promesse d'une connectivité toujours plus grande avec les smart cities et l'intelligence artificielle ; de l'autre, l'impératif de sobriété face à l'urgence climatique. C'est dans ce contexte que la loi REEN (Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique) vient poser un cadre législatif ambitieux pour les collectivités et organismes publics.
Comment transformer cette obligation légale en opportunité ?
Comment repenser nos usages numériques pour qu'ils soient à la fois performants et respectueux de l'environnement ?
Plongez dans les stratégies de transformation numérique responsable !
De la smart city à la ville résiliente : vers un numérique plus discret
L'avenir ne sera peut-être pas celui de l’hyper-connectivité tant annoncée. Si les villes intelligentes et leurs innombrables services numériques semblaient tracer la voie du futur, une vision alternative émerge aujourd'hui : celle d'un paysage numérique plus résilient, où le numérique se fait plus discret et où l'usage prime sur la technologie.
"Ce sera un monde où la low-tech et la high-tech cohabiteront pour offrir des usages qui vont améliorer le cadre de vie des citoyens," explique Noémie COCHÉ, designer UX/UI et experte en numérique responsable chez Open. "Une vie tournée vers le bien-être, vers une forme de déconnexion d'un numérique envahissant et de cette addiction qu'on peut avoir aux écrans."
Cette vision remet l'usage et la valeur au cœur de la réflexion sur le numérique public : de quoi ont réellement besoin les usagers ? Quelle valeur apporte-t-on aux citoyens ? Comment construire un numérique plus sobre qui reste accessible à tous ?
La loi REEN : contrainte ou opportunité d'innovation ?
Adoptée pour encadrer les stratégies du numérique responsable, la loi REEN impose de nouvelles obligations aux services publics et organismes œuvrant pour le bien public. Elle s'articule autour de plusieurs axes majeurs : former et sensibiliser, limiter le renouvellement des terminaux, favoriser l'éco-conception, structurer une stratégie de numérique responsable territoriale et promouvoir des data centers économes en énergie.
Mais loin d'être perçue uniquement comme une contrainte réglementaire, cette loi représente selon les experts une réelle opportunité d'innovation. "C'est un levier pour repenser nos services numériques et créer plus de valeur pour les usagers," souligne Benoît PEAN, architecte solution et expert en numérique responsable.
Trois enjeux stratégiques pour les collectivités
Renforcer l'attractivité et la notoriété territoriale
L'intégration des préoccupations environnementales dans la stratégie numérique d'un territoire constitue un atout d'attractivité majeur. Elle renforce la confiance du public et peut devenir un facteur clé pour attirer et retenir les talents.
L'inclusion numérique joue également un rôle crucial : réduire la fracture numérique permet non seulement de répondre à des exigences légales, mais aussi d'élargir l'audience des services proposés et de transformer les défis en opportunités de développement.
Maîtriser le cadre réglementaire pour gagner en confiance
La conformité réglementaire apporte une dimension sécuritaire essentielle, notamment dans la protection des données personnelles des citoyens. Elle garantit également la pérennité des services numériques, qui pourront évoluer et s'adapter aux futures exigences légales.
"L'ensemble de ces actes qui permettent de garantir l'inclusivité, l'accessibilité et la sécurité vont créer une notion de confiance numérique avec les citoyens," explique Benoît PEAN. Un point de vigilance particulier concerne les technologies émergentes comme l'IA, parfois très consommatrices de ressources : leur utilisation doit être ciblée et pertinente pour maintenir cette relation de confiance.
Optimiser les ressources pour un impact durable
La démarche invite également à définir plus clairement le cycle de vie des services. Elle permet non seulement de réduire le gaspillage de ressources en évitant les fonctionnalités superflues, mais aussi d'améliorer l'expérience utilisateur en se concentrant sur l'essentiel. "Près de 45% des fonctionnalités développées sont peu ou très peu utilisées par les utilisateurs" rappelle Élise BIDEAU, lead UX Designer et experte en accessibilité numérique. Un chiffre qui souligne l'importance de bien cibler les besoins réels des utilisateurs avant de développer ou faire évoluer des solutions technico-fonctionnelles.
Quatre bonnes pratiques pour une transition réussie
Pour concrétiser cette démarche de numérique responsable, les experts préconisent quatre bonnes pratiques essentielles, avec comme leitmotiv "faire mieux avec moins" :
1. Mesurer pour agir
Avant toute action, un état des lieux s'impose. Audit, analyse du cycle de vie des services numériques, évaluation de la maturité des équipes... Ces étapes préliminaires permettent d'identifier les actions prioritaires et les leviers les plus impactants.
Des outils comme Lighthouse, EcoIndex, Green-IT Analysis pour les états des lieux, ou Scaphandre et PowerAPI pour le suivi des consommations, peuvent accompagner cette phase d'analyse.
2. Structurer une stratégie de sobriété
La transition vers un numérique plus responsable nécessite une gouvernance claire et des objectifs précis. Cette stratégie doit pouvoir être communiquée et co-construite avec l'ensemble des partenaires de l'écosystème pour assurer une cohérence globale.
L'approche recommandée repose sur la conception responsable "by design" - penser la sobriété dès le début du projet - et la définition précise des cycles de vie des services et des données qu'ils traitent.
3. Sensibiliser et fédérer les équipes
"La meilleure stratégie d'éco-conception sera inutile si elle n'est pas partagée et si une force collective ne la porte pas." insiste Noémie COCHÉ. La sensibilisation des équipes, des collaborateurs et des agents est donc cruciale.
Des formations adaptées doivent être proposées pour que chacun, quel que soit son rôle, puisse contribuer à cette transformation. A titre d’exemples, des initiatives comme les "fresques du climat" sont déjà déployées au sein des collectivités.
Cette sensibilisation doit aussi s'étendre aux usagers pour expliquer les changements apportés aux interfaces et services. "L'inclusion doit être faite avec les habitants pour partager des valeurs communes et œuvrer ensemble vers cette démarche," précise Élise BIDEAU.
4. Créer un patrimoine digital collectif et durable
La mutualisation des ressources et la création d'outils communs permettent d'accélérer la production de solutions numériques cohérentes et durables. Les design systems partagés et les "biens communs numériques" accélèrent le développement de services publics durables. Noémie COCHÉ souligne : "Réutiliser l'existant est désormais la norme." Cette approche permet non seulement de générer des économies mais aussi de créer aussi un écosystème d'innovation collaborative efficient et responsable où chacun peut s'enrichir des contributions des autres.
L'importance du retour sur investissement
Pour maintenir cette dynamique de transformation dans la durée, il est essentiel d'en démontrer les bénéfices. Ce "retour sur investissement" peut prendre différentes formes : économies réalisées, satisfaction des usagers, amélioration de l'image de la collectivité...
"Il faut absolument pouvoir montrer le ROI par rapport à ces chantiers," confirme Benoît PEAN. "Cet élément est crucial pour créer un cercle vertueux et maintenir les chantiers d'amélioration dans le temps."
Une démarche accessible et évolutive
Bonne nouvelle pour les collectivités qui commencent leur transition vers un numérique plus responsable : il n'y a pas de retard irrémédiable. "L'intégration précoce de ces réflexions dans un projet maximise leur impact, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Même une mise en œuvre tardive peut engendrer des bénéfices significatifs" rassure Élise BIDEAU.
Même pour des services existants, des démarches d'amélioration peuvent être entreprises. "Ce n'est pas une fatalité si vos services ne sont pas encore conformes. On peut toujours, à n'importe quelle étape du projet, prendre le train en marche et avancer vers des services plus résilients."
Face aux défis environnementaux et aux exigences réglementaires croissantes, le numérique responsable s'impose comme une démarche incontournable pour les collectivités territoriales. Au-delà des exigences de conformité à la loi REEN, c'est l'occasion de repenser en profondeur la relation entre les citoyens et les services publics numériques, pour construire un avenir plus sobre, plus inclusif et plus durable. Une transformation qui nécessite engagement, méthode et collaboration, mais dont les bénéfices dépassent largement le cadre technique pour toucher à l'essence même du service public de demain.
Nos experts
Conception responsable & durable des services numériques
Dans un monde où le numérique façonne notre quotidien, les entreprises ont un rôle clé à jouer pour concilier innovation technologique et responsabilité sociétale. Notre approche du Numérique Responsable vise à repenser la conception, le développement et la gestion des services digitaux pour réduire leur impact environnemental, favoriser l’inclusion numérique et promouvoir des pratiques durables.