La saison 2, en bref
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Bonjour, j'ai le plaisir de vous accueillir pour la saison deux, de A propos.
A propos c'est notre émission du secteur numérique qui donne la parole aux experts.
dans la saison 1, nous nous sommes attachés à vérifier si la révolution de l'IAGen ne pouvais pas créer une fracture sociétale ou une fracture en entreprise. Et dans la saions deux, celle que nous présentons aujourd'hui, on va s'attacher à vérifier ou à voir comment l'IAGen est adoptée en entreprise. Il y at'il une réalité, une valeur et pour quel bénéfice.
J'ai pour cela invité un panel d'experts extraordinaires que je vais pouvoir interroger sur ce thème.
Episode #4 | Conversation avec Eric Hazan, McKinsey
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Alors aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Éric Hazan, qui est Senior Partner chez McKinsey et qui est également un des leaders de la practice Tech Europe de McKinsey. Il va nous donner son point de vue sur cette fameuse réalité de l’IA générative en entreprise en tant que conseil en stratégie. Merci, Éric, d’être avec nous.
Merci beaucoup Frédéric de me recevoir.
Ma première question n’est pas une question, mais j’aurais besoin que tu fasses rapidement un état des lieux, en quelques chiffres ou éléments caractéristiques, de la réalité de l’IA générative en entreprise aujourd’hui.
Je fais un petit rappel historique, parce que finalement, on parle beaucoup d’IA, mais on en parle de manière beaucoup plus importante depuis, on va dire, 7 à 8 ans. Pourtant, l’IA a été inventée dans les années 50 aux États-Unis. À l’époque, il n’y avait ni les algorithmes, ni la puissance de calcul, ni les données numérisées. On se rappelle que Marvin Minsky faisait ses analyses et ses algorithmes sur du papier... enfin, pas tout à fait, mais simplement pour dire que tout cela s’est accéléré.
Depuis les années 2010, on parle vraiment d’intelligence artificielle. Et depuis 2017, d’intelligence artificielle générative, notamment avec le modèle Transformer de Google, qui est passé en open source. Cela a donné l’opportunité à tout le monde, y compris à OpenAI, de travailler et d’aller plus loin, jusqu’à la sortie de ChatGPT il y a 24 mois.
Depuis, il n’y a pas vraiment de résistance dans les entreprises à l’idée de déployer l’intelligence artificielle générative. En revanche, il y a parfois des difficultés, et je pense que c’est intéressant d’en parler.
Tout à fait. Finalement, nous sommes tous restés médusés devant la puissance des différents modèles : Large Language Models, Foundational Models et les modèles de traitement du langage naturel.
Exactement. La promesse de l’IA générative dépasse largement l’IT et les systèmes d’information. Elle permet de parler et, instantanément, de programmer, de déployer et d’extraire des informations de systèmes complexes. C’est autour du knowledge management que les premières utilisations ont été mises en place.
Ainsi, tout le monde a voulu utiliser l’IA générative dans un environnement sécurisé et cyber-sécurisé. La plupart des entreprises ont fait comme McKinsey : elles ont créé une interface, connectée à leurs bases de données internes. Chez McKinsey, nous avons 135 bases de données connectées à une interface utilisant deux grands modèles de langage, qui servent de puissance de calcul, mais sur lesquels nous ne déposons pas nos données. C’est une approche qui assure la cybersécurité. Les entreprises les plus avancées ont adopté cette stratégie.
Dans un premier temps, elles ont utilisé l’IA pour le knowledge management, puis elles ont identifié les cas d’usage les plus pertinents en termes de retour sur investissement et de facilité de déploiement.
Et comment les entreprises s’y prennent-elles concrètement ?
Il y a eu plusieurs stratégies. Certaines ont compris qu’il leur fallait une masse critique de compétences et ont créé une AI Factory ou une Usine IA. On ne parle pas ici des Digital Factories classiques avec 600 personnes pour une grande banque, mais de petites équipes de 20 à 30 experts en IA, qui travaillent sur des cas d’usage et diffusent des produits au sein de l’entreprise.
D’autres entreprises ont adopté une approche plus dispersée, en lançant de nombreux cas d’usage sans stratégie centralisée. Cela s’apparente à ce que disait Mao Zedong : "Que mille fleurs s’épanouissent". Résultat : ces entreprises se retrouvent avec une multitude de PoCs (Proof of Concept) qui ne passent pas à l’échelle. En moyenne, seules 5 à 10 % des initiatives sont réellement déployées.
Donc, si je résume, l’IA générative est bien adoptée par les entreprises, au-delà des simples assistants virtuels. Cependant, ce n’est plus la technologie qui pose problème, mais la manière de l’implémenter.
Exactement. Comme pour tout projet technologique, embarquer les équipes est essentiel. Par exemple, Nicolas Dufour, le patron de la BPI, en a fait un projet d’entreprise où chacun a été impliqué dans la réflexion et le déploiement de l’IA générative. C’est un vrai projet de transformation.
Tous les PDG sont conscients de l’importance de l’IA et veulent l’adopter. Cependant, des résistances internes et un manque de stratégie claire peuvent freiner l’implémentation.
Et concernant les collaborateurs, perçois-tu une résistance liée à la peur de perdre leur emploi ?
Oui, et c’est un point clé. Selon les études du McKinsey Global Institute, avec un déploiement médian de l’IA en Europe et aux États-Unis, 30 % des heures travaillées seront automatisées d’ici 2030.
Mais il y a deux façons d’adopter l’IA :
Réduire les coûts sans requalifier les employés, ce qui limite la croissance.
Former les employés et accompagner la transition, ce qui peut générer de nouvelles opportunités et de la croissance.
Aux États-Unis, la demande d’assistants juridiques (paralegals) est en hausse, car ceux qui sont formés à l’IA deviennent plus productifs et attirent davantage de travail. C’est un exemple du paradoxe de Jevons : plus la productivité augmente, plus la demande de travail suit.
Pour conclure, quels conseils donnerais-tu aux entreprises, notamment aux ESN et aux acteurs du numérique ?
L’IA générative a un impact majeur sur quatre fonctions clés :
Marketing & Sales
Expérience client
R&D
IT (notamment le développement logiciel)
Les ESN ont un rôle clé : elles doivent utiliser l’IA pour gagner en productivité mais aussi pour accompagner leurs clients dans cette transformation. C’est une opportunité de croissance.
Et si nous nous reparlions dans 2, 5 ou 10 ans ?
Si nous avons la volonté et les investissements, nous suivrons le rythme des États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe investit deux fois moins que les États-Unis en technologies depuis 12 ans.
Si nous rattrapons ce retard, en 2030, 30 % des heures travaillées seront automatisées, et 45 % en 2035. Cela pourrait entraîner une forte croissance de la productivité et de l’économie. Mais aujourd’hui, l’Europe avance plus lentement que les États-Unis. C’est un défi majeur.
Merci, Éric, pour ton analyse et ton expertise.
Merci beaucoup, Frédéric.
L'intelligence artificielle n'est pas une simple révolution technologique, c'est un choix économique et sociétal : l'adopter avec méthode et ambition, c'est éviter le décrochage et créer la croissance de demain.
4 points clefs abordés dans cet épisode
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L’IA générative est désormais incontournable en entreprise
Son adoption massive a été accélérée depuis 2017 avec l’essor des modèles transformers. Les entreprises ne résistent plus à son déploiement mais rencontrent des défis d’implémentation.
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Des stratégies d’adoption contrastées
Certaines entreprises structurent leur approche avec des "AI Factories" et un nombre restreint de cas d’usage ciblés. D’autres se dispersent avec trop de projets décentralisés et échouent à les déployer à grande échelle.
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Les enjeux économiques et sociaux du déploiement de l’IA
L’automatisation pourrait atteindre 30 % des heures travaillées d’ici 2030 en Europe et aux États-Unis. Une adoption maîtrisée et accompagnée de formations peut transformer l’IA en moteur de croissance et non en menace pour l’emploi.
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Une opportunité majeure pour les entreprises technologiques
Les ESN et les entreprises du numérique ont un rôle clé dans le déploiement de l’IA. Leur expertise est essentielle pour accompagner la transformation des autres secteurs.
Episode #3 | Conversation avec Jean-Philippe Couturier, Whoz
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Aujourd'hui, pour nous éclairer sur le thème des applications boostées à l'IA et du point de vue de l'éditeur, j'ai le plaisir d'accueillir Jean-Philippe Couturier, qui a eu plusieurs vies professionnelles. La première, c'est celle d'être un ingénieur successful, puis il a créé son entreprise, est devenu conférencier à HEC sur les questions de l'IA en particulier, membre du conseil d'administration de Numeum et, bien sûr, dans son exercice principal aujourd'hui, fondateur et président de l'éditeur Whoz, leader mondial du staffing.
Jean-Philippe, merci d'être avec nous aujourd'hui et merci de nous éclairer de ton regard. Ma première question est plutôt générale : comme tu embrasses le sujet de l'IA et de l'IAGen sous toutes ses formes, quel est ton regard sur ce qui est en train de se passer sur ce sujet, en France bien sûr, mais aussi dans le monde en général ?
— Bonjour Frédéric, merci pour l'invitation. Tout le monde le dit, c'est une révolution, et c'est une révolution en marche, déjà très en avance. Même si elle est récente, je pense que la première chose qu'on pourrait citer pour montrer à quel point elle est en marche, c'est l'évolution du temps nécessaire pour atteindre une intelligence artificielle dite générale. Il y a dix ans, on pensait qu'il faudrait 40, 50, voire 100 ans. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire qu'à horizon 2030, on y sera. Cela a de grandes conséquences pour l'entreprise, mais aussi pour la société en général.
— Donc, pour toi, on est en plein dedans, c'est inéluctable ?
— Pour moi, on est en plein dedans, c'est inéluctable. C'est très rapide, c'est la révolution la plus rapide et transformative que l'on ait connue et que l'on connaîtra. C'est absolument incroyable et pourtant encore très jeune. Ce qui a changé, c'est—même si beaucoup le nient—l'arrivée de GPT-3.5 en novembre 2022, qui a fait découvrir au monde cette technologie et montré que l'IA, avec cette interface, était accessible à tous. Aujourd'hui, la différence entre un GPT-3.5 et le dernier modèle GPT-4 est gigantesque, un véritable saut quantique. Ces solutions répondent désormais à notre quotidien.
Le vrai sujet n'est plus tant l'évolution de la technologie, qui suivra son cours, mais son adoption et son appropriation. C'est aussi une nouvelle façon de penser. Je crois qu'on n'exploite pas encore complètement ses capacités, car nous avons du mal à penser autrement.
— Je précise que l'IA générale, c'est le point où l'IA pourra créer elle-même sa future version. C'est l'une des définitions de l'IAGen, juste pour nos auditeurs.
J'aimerais maintenant t'interroger sur ce que tu ressens de tes élèves d'HEC, cette génération de 20-22 ans. Comment vivent-ils ce changement ?
— D'abord, ils le vivent très bien, car pour eux, c'est un partenaire extraordinaire qui répond à leurs questions. Cela transforme l'éducation : on ne peut plus poser les mêmes questions qu'avant dans les devoirs ou les interrogations maison, car ils ont une encyclopédie et un coach à disposition, capable d'écrire, composer et répondre rapidement.
Néanmoins, je pense qu'on n'exploite pas encore assez cette IA générale. De plus, nous avons tendance à la voir uniquement sous l'angle des assistants comme GPT ou Claude, alors que la grande révolution actuelle est celle des "agents", ces intelligences artificielles génératives capables d’interagir avec des outils.
— Justement, en parlant des agents, cela m'amène à ma deuxième question : sont-ils des applications génératives ou intègre-t-on simplement de l'IA dans les applications ? Comment fabrique-t-on l’application de demain ?
— C’est les deux. On introduit de l'IA et des agents dans les applications, mais on doit aussi repenser complètement les logiciels en intégrant cette nouvelle logique. Ce qui va être difficile pour les éditeurs, c'est moins d'introduire de l'IA que de repenser entièrement leurs produits.
Un bon exemple est la dernière conférence Dreamforce de Marc Benioff, où les agents étaient au cœur du débat. Cette révolution des éditeurs logiciels a un nom : le SaaS. Mais pas le "Software as a Service" que l'on connaît, plutôt le "Service as a Software".
Cela signifie que les éditeurs remplacent des pans entiers de services humains par du logiciel.
— Tu veux nous faire peur ?
— Non, ce n’est pas mon intention. Mais c’est une réalité. Aux États-Unis, certains experts estiment que d’ici deux ans, les services clients de niveau 1 seront assurés par des agents et non plus par des humains.
— Et concernant la sécurité, comment situes-tu le risque avec ces IA qui traitent des données sensibles ?
— La sécurité se pose à plusieurs niveaux. D'abord, la confidentialité des données : beaucoup d'éditeurs utilisent des modèles open source qu’ils font tourner sur leurs propres serveurs pour éviter que les données des clients ne sortent. Des offres comme Azure permettent aussi d’assurer cette protection.
Un autre enjeu est jusqu’où vont les agents. Chez nous, nous avons changé notre manière de coder en intégrant des agents capables de commenter des tickets et proposer des améliorations. Certains vont même jusqu’à compiler du code et l'envoyer sur les plateformes de test sans qu'on le leur ait explicitement demandé.
Ensuite, il y a la question du déterminisme. Par exemple, on peut utiliser l’IA pour estimer la température d’un cœur de réacteur nucléaire. Mais l’IA n’est pas déterministe : elle "devine" des résultats, ce qui peut être problématique dans des domaines critiques. C’est un vrai défi à résoudre.
— Donc, la main de l’homme reste indispensable ?
— Oui, et pour rassurer certains, l’humain est toujours essentiel. Cependant, si on prend des chiffres, aujourd’hui, dans Codeforces, un "championnat du monde des développeurs", GPT-4 figure parmi les 180 meilleurs développeurs mondiaux. Dans des tests de questions scientifiques, un doctorant moyen obtient 70 %, tandis que GPT-4 atteint 88 %. On avance donc très vite.
— Avec cette compréhension du sujet, quelle serait ta recommandation pour les entreprises, notamment dans le numérique ?
— D’y aller, et vite. Aujourd’hui, nous sommes en retard. L’enquête Top 250 de Numeum montre que seulement 40 % des éditeurs ont intégré l’IA, et 40 % comptent le faire dans les 12 prochains mois. C’est bien trop lent.
Le vrai défi n’est pas seulement l’outil, mais la transformation culturelle des entreprises. Beaucoup disent encore "l’humain fait mieux", mais ces outils sont extrêmement puissants. Adopter l’IA, c’est aussi transformer la culture d’entreprise. Il faut intégrer ces technologies autant dans les solutions proposées aux clients que dans l’organisation interne.
— Jean-Philippe, merci beaucoup pour tes réponses et ta présence parmi nous.
— Merci à toi !
L’intelligence artificielle est la révolution la plus rapide et transformative que nous ayons connue. Plus qu’une simple évolution technologique, c’est une nouvelle façon de penser qui impose aux entreprises d’agir vite pour ne pas rester à la traîne.
4 points clefs abordés dans cet épisode
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L’IA générale arrive plus vite que prévu
Il y a dix ans, on pensait qu’elle mettrait des décennies à émerger, mais aujourd’hui, 2030 semble un horizon crédible.
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Une transformation radicale des entreprises et des usages
L’IA ne se limite plus à être un simple assistant, elle devient un agent autonome capable d’interagir avec des outils et de prendre des décisions.
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Les éditeurs et entreprises doivent repenser leur approche
L’enjeu n’est pas seulement d’intégrer l’IA dans les outils existants, mais de repenser entièrement les applications en fonction de ces nouvelles capacités.
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L’urgence d’agir pour ne pas être dépassé
L’adoption est encore trop lente : il faut aller vite, expérimenter et transformer la culture d’entreprise pour embrasser pleinement cette révolution.
Episode #2 | Conversation avec Béatrice Kosowski, IBM
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Bonjour,
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Béatrice, une entrepreneuse qui a prolongé ensuite sa carrière chez IBM, dont elle est devenue présidente France.
Bonjour Frédéric.
Merci Béatrice d'être avec nous.
C'est un énorme plaisir d'être invitée.
C'est gentil, merci.
Alors, j'ai une question immédiate, puisqu'on est là pour parler de l'IAGen et AI en général, bien sûr en entreprise. Comment est-ce que tu vois ton écosystème de clients et de partenaires consommer l'IA générative en entreprise ?
Alors, je pense que tout le monde est d'accord qu'il y a une très belle opportunité en fait de changer de façon importante l'expérience client, l'expérience employé, de faire des gains de productivité et globalement de développer des avantages concurrentiels grâce à l'IA et la Générative AI. Donc, l'envie est là, la maturité un peu en retrait. On a dix points d'adoption en moins que les États-Unis, en France et en Europe.
Ce qu'on observe aussi, c'est qu'aujourd'hui, 54 % des collaborateurs dans les entreprises n'utilisent pas au quotidien la Générative AI, alors que par exemple, en Asie-Pacifique, c'est 35 %. Donc, on voit qu'il y a quand même une différence.
Je pense que c'est intéressant de se poser la question aussi, parce que c'est une phase d'expérimentation. On fait des POC, on fait des MVP. Mais il y a cette statistique un peu préoccupante quand même sur le marché : c'est que 54 % des POC ne passent jamais en production. J'ai encore vu récemment un client, un grand client international, mais d'origine européenne, qui en est à 1 200 POC, dont aucun n'est en production.
Ça, c'est quand même interpellant !
Mais il y a beaucoup de choses positives quand même. Les entreprises sont vraiment en train de creuser les use cases pertinents pour elles. Donc, je dirais que la grande majorité des clients ont déjà fait leur liste avec des priorités, etc., et font des expérimentations, lancent des initiatives pour acquérir les compétences. Avoir vraiment les équipes qui se frottent à cette technologie, c'est un peu lent, mais voilà...
On peut quand même donner les trois raisons, les trois freins à cette adoption à l'échelle.
La première chose, c'est le ROI, qui n'est pas là, ou qui est vraiment incertain.
La deuxième chose, sans surprise, c'est les datas, qui sont historiquement faibles, et en tout cas pas au top pour accompagner les ambitions.
La troisième chose, c'est le risque, la conformité.
D'accord. Ce sont les trois points pour toi ?
Oui, oui, oui, qui ressortent.
Quels sont les grands use cases que tu as pu constater pour ceux qui sont partis ? Dans quel grand domaine finalement ?
Au-delà de l'assistant virtuel, il y a un processus, une équipe, dans l'entreprise...
Alors, ce qui est extraordinaire, c'est que c'est multidimensionnel, franchement !
Je dirais : tout ce qui est lié à la relation client. Comment on peut augmenter ou enrichir l'expérience client ? Il y a des choses qu'on peut considérer comme des tâches à faible valeur ajoutée. On va peut-être les automatiser. L'autre volet, c'est d'augmenter : apporter une compétence, une expérience, une forme d'intelligence complémentaire à la personne qui porte la relation commerciale.
D'accord. Ça, c'est tout le volet relation client. Mais il y a toutes les fonctions support, c'est extraordinaire ce qu'on peut apporter aux ressources humaines, à la finance, aux achats, à la gestion immobilière. On retrouve ça dans les fonctions support de l'entreprise. L'idée, c'est d'automatiser et d'augmenter les personnes qui gèrent ces processus.
Et le premier point, c'est qu'est-ce qu'on peut éliminer pour éliminer la complexité ? Comment on simplifie ? Et comment on automatise ? Ce qui n'est pas la démarche naturelle.
Exactement !
Je peux donner quelques exemples concrets.
Aujourd'hui, 94 % de nos activités RH sont numérisées, basées sur l'IA et la Générative AI. L'idée, c'est de vraiment libérer du temps pour les missions complexes, sensibles, à forte valeur ajoutée, comme le développement des talents.
On a réduit de 40 % le budget du process RH, on a augmenté le NPS, taux de satisfaction des collaborateurs, de 55 points.
Dans le domaine du recrutement, on a baissé de 80 % le temps de recrutement.
C'est incroyable pour les entreprises qui veulent être très agiles.
Dans le support client, 70 % des demandes sont automatisées.
Les 30 % restants concernent des situations plus complexes, où l'IA peut aider les agents. Le temps de réponse a été réduit de 26 %, la satisfaction client a augmenté de 25 points. On a économisé 185 millions de dollars !
C'est un gagnant-gagnant !
Donc, ton positionnement, c'est que c'est une formidable opportunité, qui déjà existe, et qu'il faut concrètement mettre en place en entreprise. Toute la peur sociale autour de ça est ridicule puisque les gains profitent à tout le monde.
C'est exactement le message !
Il faut accompagner cette transition, faire un travail de modélisation, impliquer les patrons des métiers et intégrer l'IA avec les compétences humaines.
Merci, Béatrice ! C'était un plaisir de t'entendre là-dessus.
À bientôt !
À bientôt !
Tout le monde est d'accord qu'il y a une très belle opportunité de changer de façon importante l'expérience client et l'expérience employé, de faire des gains de productivité et globalement de se développer des avantages concurrentiels grâce à l'IA et la Gen IA. L'envie est là .. la maturité ...un petit peu en retrait...10 points de moins en France et en Europe que les états unis..
4 points clefs abordés dans cet épisode
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Opportunités offertes par l'IA générative
Transformation de l'expérience client et employé, amélioration de la productivité et création d'avantages concurrentiels. Cependant, son adoption est encore en retrait en France par rapport à d'autres régions comme les États-Unis.
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Freins à l'adoption de l'IA
Incertitude du retour sur investissement (ROI). Qualité des données jugée insuffisante. Préoccupations liées aux risques et à la conformité.
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Domaines d'application de l'IA en entreprise
Applications dans plusieurs domaines : relation client pour automatiser et enrichir les interactions, dans les fonctions support (ressources humaines, finance, etc.) et dans le cœur de métier de l'entreprise, permettant d'optimiser des processus complexes.
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Impact mesurable de l'IA
Gains significatifs en productivité, réduction des coûts (comme dans le processus de recrutement) et amélioration de la satisfaction client et collaborateur. La transformation doit être accompagnée pour favoriser l'adoption et dédramatiser les changements.
Episode #1 | Conversation avec François Candelon, Seven2
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Bonjour, j'ai le plaisir d'accueillir François Candellon.
Pour le présenter, j'ai besoin de ma fiche, et vous allez comprendre pourquoi. Il est aujourd’hui partner chez SevenTwo, un fonds de private equity bien connu. Il est fellow à Harvard sur les questions d’adoption de l’IA par les entreprises. Il est membre – un des rares Européens – de l’American Society for AI. Et il a été, pendant 30 ans, un partenaire du BCG.
Merci, François, d’être avec nous.
Aujourd’hui, je l’accueille parce que nous voulons avoir le point de vue d’un expert qui fréquente ce milieu depuis toujours, mais surtout celui de l’expert qui va orienter et évaluer les investissements. Finalement, aujourd’hui, avec cette compréhension, on ne peut plus faire ce qu’on faisait hier.
— Absolument.
Ma première question, François : avec cette compréhension du sujet, qu’est-ce que l’IA change aujourd’hui dans l’entreprise ? Est-ce un basculement aussi fort, voire plus fort encore, que celui du digital que l’on a connu il y a vingt ans ?
— Pour moi, c’est beaucoup, beaucoup plus fort que le digital. Je le compare souvent – et je ne suis pas le seul – à l’électricité, à la deuxième révolution industrielle. Il va falloir réinventer énormément de choses.
Typiquement, les personnes morales ont été inventées en 1906 ou 1908, je ne sais plus exactement, mais juste après l’arrivée de l’électricité. Avant, cela n’existait pas. Et là, c’est pareil : cela va prendre du temps. Nous en sommes au début. N’oublions pas que Taylor n’est véritablement arrivé que 30 à 40 ans après le début de cette révolution.
Qu’est-ce qui, aujourd’hui, sera l’équivalent de Taylor avec l’IA ? On ne le sait pas encore. Mais ce que l’on sait, c’est que toutes les fiches de poste vont être transformées. Rien ne va rester en l’état.
C’est un point très important : il faut protéger les individus plus que les fiches de poste. C’est un vrai défi en Europe, où nous sommes beaucoup moins agiles sur ces questions.
C’est la question centrale.
— Exactement. C’est une question de vitesse. Et même, c’est une double vitesse.
Sam Altman, lui, compare l’IA au transistor, en disant – et il a raison – que, comme avec la loi de Moore, tous les 18 mois, nous doublons la puissance de calcul disponible. Il y a deux ans, ChatGPT est arrivé. Aujourd’hui, nous parlons des agents autonomes.
C’est-à-dire des agents capables non seulement de dialoguer – et je mets tout entre guillemets pour éviter toute anthropomorphisation – mais aussi d’agir sur le monde.
À mon avis, nous allons passer rapidement d’une organisation classique à des organisations hybrides, avec des employés humains et des "employés" IA. Cette capacité à collaborer deviendra une source d’avantage concurrentiel.
Et cela redéfinit complètement le paysage.
— Absolument. Cela redéfinit le paysage, mais aussi les processus.
Jensen Huang, le CEO de Nvidia, dit que les DSI seront demain les DRH des IA autonomes. On peut en avoir peur ou pas, mais cela arrive. Et ce qui m’inquiète, c’est que ce sujet occupe une place aussi réduite dans le débat public, en France, en Europe, voire même dans le monde.
Même au niveau américain ?
— Oui, même au niveau américain.
Le développement d’une nouvelle technologie aux États-Unis et en Europe est très différent. Aux États-Unis, c’est un mécanisme schumpétérien de destruction créatrice : les entreprises ne se modernisent pas, elles sont remplacées par des entreprises natives.
On l’a vu avec le SaaS, et on est en train de le voir avec l’IA.
En Europe, et en France en particulier, nous avons tendance à vouloir maintenir artificiellement en vie les entreprises pour éviter qu’elles ne disparaissent. Cela implique un processus très différent, davantage tourné vers l’adoption progressive que vers la rupture.
Pour moi, ce débat est bien plus important que, par exemple, celui de l’âge pivot de la retraite.
Cela signifie que, en tant qu’investisseur, tu dois désormais évaluer différemment tes futures cibles et ton portefeuille existant.
— Tout à fait.
D’abord, pour chaque investissement que nous réalisons, nous avons désormais une due diligence IA spécifique.
Nous analysons :
La maturité de l’infrastructure technologique.
La maturité culturelle de l’entreprise pour adopter l’IA (chez les employés et dans la structure organisationnelle).
L’impact potentiel sur le modèle d’affaires : est-ce une menace ou une opportunité ?
Par exemple, cet été, nous avons investi aux Pays-Bas dans une entreprise qui édite un logiciel pour architectes. Nous nous sommes demandé si l’IA générative représentait un risque ou une opportunité. Nous avons conclu que c’était une opportunité, à condition de bien l’intégrer.
Tu abordes cette transition dans ton portefeuille avec des techniques d’adoption spécifiques ?
— Oui.
Je pense que les ETI ont une opportunité massive de création de valeur grâce à l’IA. Elles sont plus agiles et peuvent transformer rapidement leurs processus internes.
Un exemple concret : nous avons accompagné une entreprise lyonnaise dans la refonte massive de la gestion des sinistres grâce à l’IA. Cela a eu un impact très significatif sur la performance et l’EBITDA.
Ensuite, les ETI collectent énormément de données mais ne les exploitent pas toujours bien. L’IA leur permet d’en tirer profit sans avoir à recruter des armées de data scientists.
Si tu avais une seule recommandation à faire aux entreprises aujourd’hui ?
— J’en ai plusieurs !
Comprendre que c’est un projet RH, bien plus qu’un projet technologique.
Utiliser l’IA là où elle permet de mettre de l’argent à la banque.
Ce n’est pas en donnant des licences Copilot que cela va fondamentalement changer. Il faut revoir les processus en profondeur.
Je ne parle jamais de "cas d’usage". Je parle de reengineering des fonctions, avec l’IA comme moteur. Par exemple, nous avons identifié six points clés dans le processus de gestion des sinistres d’une entreprise où l’IA peut apporter une refonte totale.
Intégrer l’IA dans les logiciels et applications.
Pour les entreprises SaaS, c’est une nécessité. Elles doivent s’y mettre immédiatement.
Faire évoluer les modèles d’affaires.
L’IA ne se contente pas d’améliorer l’existant, elle permet aussi d’imaginer de nouveaux services et sources de revenus.
Et surtout : il faut y aller maintenant.
C’est en expérimentant aujourd’hui que l’on pourra s’adapter plus vite demain. L’agilité est le facteur clé de création de valeur.
Merci, François, pour ton éclairage et ta pertinence.
— Merci à toi pour l’invitation.
Il faut comprendre que l'IA est plus un projet RH que technologique. Il faut y aller maintenant car c'est en apprenant aujourd'hui que demain, on sera plus à même de prendre ces nouvelles technologies. Et l'agilité de l'entreprise est pour moi le facteur de création de valeur fondamentale.
4 points clefs abordés dans cet épisode
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L'impact de l'IA est beaucoup plus profond que celui du digital
Cette transformation va nécessiter une réinvention complète des postes et des processus dans l'entreprise, avec l'émergence d'organisations hybrides mêlant employés humains et IA.
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Une approche IA différente entre entreprises européennes et américaines
Là où les États-Unis privilégient une destruction créatrice avec l'émergence de nouvelles entreprises, l'Europe cherche à faire évoluer les entreprises existantes.
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L'évaluation de la maturité IA des entreprises devient cruciale
Pour les fonds d'investissement, notamment, tant pour les nouvelles acquisitions que pour le portefeuille existant. Cette évaluation porte sur l'infrastructure technologique, la culture d'entreprise et le modèle d'affaires.
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L'adoption de l'IA est d'abord un projet RH plutôt que technologique
Il est conseillé de commencer immédiatement, en se concentrant sur la refonte des processus existants et l'intégration de l'IA dans les applications, pour développer l'agilité nécessaire à la création de valeur future.